Histoire difficile à faire tenir en peu de mots. Celle du père Antoine Tran Quoc Tuan. Il a 45 ans et déjà au moins trois vies. Le curé de St Benoît en Pays de Serres (Lot et Garonne) revient de loin et il y puise sa joie.
Ma douce enfance au Vietnam
« Mes parents étaient brodeurs et je suis le 7ème enfant d’une fratrie de douze : sept garçons et cinq filles. Nous sommes catholiques pratiquants. Je suis enfant de choeur à 5 ans, je fait ma première communion à 7 ans. Je suis pensionnaire à l’internat des soeurs des
Amantes de la Croix à Saïgon. Je suis heureux ».
Les communistes arrivent.
Les américains partent. Les communistes sont là. L’internat ferme, des prêtres sont emprisonnés. Le catéchisme se fait dans les maisons. Jamais dans la même. Les messes sont autorisées mais il faut prévenir. On enrôle les garçons à 16 ans pour faire la guerre au Cambodge. Mes parents ont peur : des voisins ont reçu le corps de leur fils revenant du front sans tête. Un des mes frères fuit le pays sur un boat-people, ces bateaux de pêcheurs surchargés On a plus de nouvelles. Un autre frère est inscrit. Le jour du départ il est absent. Ma mère a payé le passage en or. Tant pis, elle m’envoie à sa place. J’ai 16 ans. Je ne suis pas prêt, désemparé. Je n’ai même pas le temps de dire au revoir à mon père et me voilà sur un bateau.
Entre deux mondes
Je suis sur le bateau. La tempête fait rage. Trois jours à écoper. Trois jours de montagne d’eau s’abattant sur nous. Mal de mer. Nourriture gâtée. Moteur cassé. A la dérive. Rien à manger. On boit l’eau de nos vêtements qu’on essore. Peur de tout, des requins, des pirates qui pullulent dans ces eaux. Au bout d’une semaine, une plage. Le bateau s’échoue et se disloque complètement. C’est la Malaisie. La Croix-rouge nous transfère sur une petite île de réfugiés. Nous sommes 43000 ! Une ville avec ses dangers, ses lois. La faim. Je remplis des demandes d’accueil pour 23 pays. 23 refus ! Je vais rester un an. Je tiens grâce à une petite communauté catholique. Je prie beaucoup.
La France, enfin
Mes prières sont exaucées. Un médecin agit pour moi. La France va m’accueillir. J’écris à mes parents. Ils me croyaient morts dans la tempête et avaient célébré mes obsèques. Mon frère est à Paris aussi. Il a survécu à son bateau. Ils étaient 104 au départ et 14 survivants quand on les a repêchés. Je commence à travailler dans un restaurant vietnamien puis Freetime (racheté par MacDo). Là, je réfléchis beaucoup. Je repense à ce que j’ai traversé. Je veux servir. Je veux être utile. Je me souviens lorsque je voulais être comme le prêtre que je servais à 5 ans. Je veux être prêtre, c’est une évidence. Comme j’aide dans l’association catholique « Pouss bambou », j’informe le père Etcharenne qui s’en occupe. Il va m’aider
Vers l’ordination
Un diocèse veut bien de moi. Mgr St Gaudens d’Agen va me parrainer. Me voilà à Poitiers au séminaire. Une telle joie d’apprendre mais c’est dur pour moi qui parle difficilement français. Puis Bordeaux. 8 ans d’études. Un retour au Vietnam aussi pour voir mon père que je sais malade. Là-bas, j’ai la joie de découvrir les léproseries que je parraine désormais.
Et puis le grand jour. D’abord celui de l’ordination diaconale, puis sacerdotale par Mgr St Gaudens. Ce sera d’ailleurs sa dernière ordination. Après la cathédrale je suis nommé à Marmande, vicaire et aujourd’hui, curé habitant à Laroque-Timbaut.
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1965 : naissance à Saïgon, Vietnam
1970 : enfant de choeur, 1ère vocation
1972 : 1ère communion
1975 : il faut quitter l’internat religieux, les communistes sont à Saïgon
1981 : fuite sur un « boat-people »
1982 : arrivée à Paris
1986 : entrée au séminaire
1995 : ordination à Agen
2003 : curé de « St Benoît en Pays de Serres »
(Beauville-Laroque-Puymirol)